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mardi 30 décembre 2008

Trois paysages horticoles méditerranéens

Suivant notre périple de vacanciers depuis Montpellier jusqu’à Malaga en voiture, notre regard a exploré plusieurs régions à l’histoire horticole affirmée. Je vais essayer de les décrire en quelques lignes.



Premier paysage : l’Horta de Valencia

Je suis toujours frappé par ce paysage d'orangers qui s'étend de la cote surpeuplée jusqu'aux contreforts de la montagne. On dirait une mer verte, ponctuée du blanc des alquerias, qui va s'échouer contre la falaise sèche.

Les orangers sont disposés dans des petites parcelles clôturées et bien entretenues. Il faut traverser la première ligne de montagnes, aller dans l'arrière-pays, pour apprécier la beauté de ces petites parcelles, de ces terrasses, énormes ou minuscules selon la pente du terrain, mais toujours scrupuleusement plates. Là-bas, elles sont parsemées d'oliviers et d'amandiers taillés délicatement, à la mode provençale.

Ce pays du Levant espagnol est le berceau de l'horticulture ibérique basée sur les ouvrages hydrauliques créés par les romains et étendus et améliorés par les arabes (qui ont rapporté les techniques agronomiques de la Mésopotamie) et berbères. Ces derniers (appelés plus tard "morisques") sont restés dans cette région, sous la domination aragonaise, jusqu'au XVIIème siècle et ont laissé une empreinte culturelle importante, très liée à l'horticulture (ils étaient tellement présent parmi la paysannerie, qu'on disait des agriculteurs de la région qu'ils ne sont "ni riches, ni sains, ni bons chrétiens"). La plupart des mots en rapport avec l'hydraulique agricole ont un origine arabe (acequias, albercas, aljibes ...) .

De la région de Valence nous viennent aussi des nombreuses variétés de légumes généralisés dans toute l'Ibérie : aubergine listée de Gandia, tomates et fèves de Muchamiel, tomates "de colgar", haricots "garrofon"... La plupart des semenciers pour l'horticulture amateur sont aussi dans cette région.

Deuxième paysage : La Mancha vers Albacete


En remontant des vergers de Valencia vers l'intérieur de la Péninsule Ibérique, on arrive sur une plaine perchée à 900 m sur la mer, entourée de montagnes coiffées de pins d'Alep et d'un peu de neige. Du coup, on comprend mieux les vers de Machado à propos de la Castille :

Vous verrez des plaines guerrières et des steppes d'ascète,

-le jardin de l'Eden n'était pas par ici -;

ces sont des terres pour l'aigle, un morceau de planète

qui traverse errante l'ombre de Caïn.

Nous sommes dans la Mancha, un immense plateau calcaire au climat ingrat (9 mois d'hiver, 3 mois d'enfer), moitié sud de la Meseta ibérique, entre Madrid et L'Andalousie. C'est le royaume de la vigne (vins La Mancha, Jumilla, Almansa, Valdepeñas), de l'ail, du safran, des aubergines d'Almagro et du célèbre melon de la Mancha, irrigué grâce à l'eau puisée dans des énormes nappes phréatiques aujourd'hui surexploitées, inconnues il y a cents ans.

Traditionnellement les melons étaient en partie des cultures sèches (non irriguées), cultivées dans les terrains au fond des vallées, gorgés d'eau pendant l'hiver et travaillés en profondeur, binés régulièrement ensuite, pour y maintenir l'humidité pendant toute la période de culture. Les plants étaient séparés d'environ deux mètres et donnaient des fruits particulièrement sucrés. Cette même méthode de culture était utilisé pour les pastèques.

Certaines variétés, dites "melon d'hiver", sont récoltés juste à point et pendus dans des filets afin de les garder même jusqu'au mois de mars. Légèrement plus petits que les "Piel de Sapo" plus courants, leur peau dure enferme une chair blanche et très sucrée.


Troisième paysage : l'Axarquia à Frigiliana

La côte orientale de l'Andalousie, entre Malaga et Almeria, est protégée des vents du Nord par les montagnes de Sierra Nevada, de l'Almijara et de Sierra Tejeda dont les sommets, tout proches de la mer, montent de deux mille à trois mille cinq cent mètres. L'Axarquia (Ash-sharquía est le "territoire de l'est" dans l'arabe ancien) est une petite région située à l'est des Monts de Malaga, coincé entre les montagnes (Sierras Alhama, Tejeda et Almijara) et la Méditerranée.

Dans ses basses vallées côtières se cultive depuis le IXème siècle la canne de sucre dont elle est la seule zone de culture en Europe continentale. A Frigiliana, très beau village blanc de l'Almijara, se trouve une ancienne usine de transformation de la canne à sucre encore en activité. On y produit du "miel de canne", sorte de mélasse appréciée dans toute l'Andalousie.

Le climat très doux de cette région permet aussi la culture de fruits tropicaux : mangues, avocats et annones (chirrimoyas) poussent dans les coteaux schisteux des zones basses. Les anciennes parcelles horticoles deviennent petit à petit de serres non chauffées où sont cultivées toute l'année des légumes d'été pour l'exportation. Nous sommes loin des "champs plastifiés" du Campo de Nijar à Almeria mais l'agriculture sous plastique (et souvent sans sol) a gagné énormément de terrain ces quinze dernières années : serres et réservoirs d'eau ponctuent les pentes des montagnes transformées en énormes terrasses.

A leur côté subsistent des cultures légumières de plein air : les pommes de terre ont déjà 15 cm de hauteur en ce mois de décembre. Les potagers sont rares dans ce pays de cocagne où légumes et poissons ne coûtent pas grand chose au marché. On peut en voir quelques uns chez les "nouveaux résidents" venus profiter du soleil, on y découvre que les plants de tomate n'ont pas encore gelé (même s'ils ne produisent plus de fruits, tout de même ...) et que la verdure est en pleine pousse. La neige n'est pourtant pas très loin sur le sommet des montagnes, ici bas les hibiscus poussent en pleine terre.

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